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La librairie, grande gagnante de la chaîne du livre ?

Alors qu’officiellement, les librairies gagnent autour de 32% de la vente des livres, leurs bénéfices après le versement des impôts est d’un autre ordre. Faisons le point sur la situation des librairies, également en voie de précarisation, depuis ces années de surproduction.

“Si la part qui revient à un auteur n’est pas plus importante qu’une olive sur une pizza, celle qui reste au libraire est au final de l’ordre du noyau !”.

Voilà ce qu’indique le Syndicat de la Librairie Française dans une lettre. La librairie est en effet considérée comme le “commerce le moins rentable de France”. Le taux de résultat net (bénéfices après impôts, loyer, achat et transport de livres, animation, etc) de ce point de vente est de 0,6 % en moyenne nationale, selon la dernière étude de Xerfi en 2011. Les libraires sont ainsi loin de bénéficier des 32% nets qui lui sont officiellement attribués lors des ventes.

 

Au contraire des grandes surfaces telles que la Fnac ou Decitre qui totalisent 28% des ventes, la situation des libraires indépendants s’est fragilisée à cause de la surproduction que les libraires vivent comme une contrainte. Surbookés, ils ne peuvent se permettre de laisser les bandes dessinées exposées pendant plusieurs semaines, si elles ne sont pas rentables. Ils doivent alors renvoyer à l’éditeur les bandes dessinées qui n’ont pas pu vendre et payer non seulement la réception des BD mais également le retour de ces dernières, ce qui amène un coût considérable.

 

En 2013, Alexandre Boulègue, l’un des auteurs de l'étude de Xerfi, expliquait la situation des librairies indépendantes à France Culture :

 


Toutes les librairies ne sont pas touchées par la précarité, néanmoins l’arrivée du numérique et du géant Amazon a grandement contribué à la fermeture de certaines d’entre elles. C’est notamment grâce au prix unique du livre instauré par la loi Lang, et au soutien financier de l’Etat (CNL, Drac, ADELC, IFCIC), que les librairies en difficulté arrivent à survivre. Elles ne sont donc pas les « gagnantes » de la chaîne du livre. Il est par conséquent difficile d’envisager une nouvelle répartition de la chaîne du livre plus favorable aux auteurs, à cause des charges à payer par les librairies et les maisons d’édition, et des situations respectives de ces deux institutions.

“Le chiffre d’affaires a tendance à reculer, dans le cadre des petites librairies et des librairies intermédiaires qui gagnent moins d’un million d’euros, alors que les charges courantes (loyer, frais de transport, frais de personnels) continuent d’augmenter. Elles ont également une marge commerciale qui est relativement faible et qui progresse à peine, ce qui fait que leur rentabilité ne cesse de se dégrader”.

Fabien Wiatr nous parle de la situation économique de Bédétik, la librairie lyonnaise spécialisée dans la bande dessinée, dont il est le propriétaire depuis près de douze ans.

 

"Notre chiffre d’affaire a augmenté de manière très significative jusqu’en 2010, mais depuis, il s’est maintenu. Maintenant, notre situation est assez instable. C’est comme si nous étions sur une crête : d’un côté, il y a la faillite, de l’autre, la réussite. Nous ne sommes jamais sûres de quel côté nous allons tomber. Donc, il est assez difficile d’arriver à agrandir notre librairie puisque que nous ne générons pas assez de trésorerie, même si c’est, jusqu’à présent, un commerce qui nous fait vivre.

 

Par contre, il faut continuellement surveiller les stocks et factures car nous avons vite fait d’être dans une situation très précaire. Il y a beaucoup de bandes dessinées qui sont publiées, donc il faut rapidement savoir si une bande dessinée trouve son public. Si nous achetons 50 exemplaires d’une bande dessinée, et qu’en trois semaines nous n’en avons vendu qu’une, il faut rapidement en enlever la moitié. En général, des 5600 bandes dessinées qui sortent chaque année, nous en achetons au moins 5000, mais il y a certaines bandes dessinées que nous exposons très peu.

 

Nous, ce que nous vendons le plus, ce sont les nouvelles bandes dessinées franco-belges, parce que c’est notre spécialité. Par contre, nous ne pourrions pas nous passer des mangas et des comics. Même s’ils ne représentent que 30 à 35% de notre chiffre d’affaires, ils sont essentiels pour l’équilibre économique de notre librairie et pour nos clients qui sont surtout des collectionneurs et des enfants. Mais ce qui nous désavantage le plus, c’est bien sûr la concurrence avec Amazon. Ils ont tous les livres et les lecteurs peuvent avoir la BD qu’ils veulent le lendemain de leur commande. Quand on est une librairie indépendante, il est difficile de survivre face à un site Internet comme celui-là, donc nous accentuons nos services en étant de bons conseils et en proposant des événements, quand nous pouvons en faire".

© 2019 par Johanna Bonenfant

Toutes les images de fond ont été prises par mes soins. Je remercie donc les librairies lyonnais La bande dessinée, Expérience, La bourse et 9ème bulle de m’avoir laissé photographier leurs décors. Je remercie également ceux qui ont participé à mon reportage : Oriane Lassus, François Gadant, Florian Bovagnet, Henri Lemahieu, David Servenay, Claude Amauger, Fabien Wiatr, mon tuteur Laurent Burlet et mon entourage.

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